C’est l’histoire d’une renaissance pour Jourdan et Marthe ainsi que pour les autres paysans du plateau provençal de Grémone qui vont voir la vie différemment après le passage de Bobi, un vagabond saltimbanque sage et généreux. Ils ne verront plus dans les choses uniquement leur utilité mais aussi leur beauté. Désormais, ils sèmeront dans leurs champs non seulement du blé mais aussi des pervenches et des jonquilles. « Il y a, dit Jourdan, des quantités de choses dont je ne m’étais pas aperçu. Des détails. Et c’est très important. »
Giono nous donne à voir « les profondeurs magiques de la maison du monde » et son roman devient un hymne à la nature et aux animaux, indissociable d’une immense foi en l’homme. C’est un roman écologiste avant l’heure où Giono, en adepte de la solidarité, refuse le repli sur soi. Son héros, Bobi donne aux habitants du plateau l’envie de rêver ensemble et d’imaginer une aventure collective où règnera la joie au milieu de la nature et des animaux. Il se dégage de ce roman une sensualité et Giono, loin des descriptions plus ou moins pornographiques des expériences amoureuses de certains héros d’aujourd’hui, évoque avec le plus grand naturel l’éveil des sens chez les hommes et les animaux en mettant en avant la beauté de l’amour physique. Ainsi, Joséphine, Aurore et Madame Hélène, à l’image de la jeune biche que les hommes ont capturée pour tenir compagnie au cerf, voient s’éveiller en elles les frissons du désir et la parade amoureuse à travers champs entre l’étalon et la jument est un pur enchantement. Giono s’adresse également à nos sens et plus particulièrement à notre goût quand il décrit le repas qui réunit tous les voisins et ce passage est à lui seul une page d’anthologie. Le lecteur a l’eau à la bouche devant le chevreau qui grésille sur les braises et il se délecte du mélange des saveurs proposé par la farce du lièvre. De plus, c’est un joli exemple de convivialité qui ne doit rien à Facebook. Les saisons ponctuent la vie du plateau où les hommes vivent en symbiose avec la nature et cette osmose fait envie. Pourtant pas de romantisme dans ce roman. On n’est pas dans le mythe du bon sauvage. Il s’agit juste de rechercher un modèle de coexistence pacifique, de respect et d’entraide même si ce n’est pas toujours facile.
De la poésie bien sûr dans le style de Giono : « le vent entortillé de pluie galopait dans les champs. » Et pourquoi pas une leçon de vie : « nous avons perdu la joie des saisons et la gentillesse naïve. »